Jérémie Gachelin

Blog personnel

Consultant bas carbone

Je suis consultant en cybersécurité pour Orange Cyberdefense et depuis un an, j’ai décidé d’agir concrètement pour réduire mon empreinte carbone. Ce billet est un retour d’expérience sur une démarche personnelle qui n’engage que moi.

Contexte

Un français émet en moyenne 9 à 11,2 tonnes de CO2 par an. Pour éviter la catastrophe, il faudrait plutôt se situer entre 1,6 et 2,8 tonnes de CO2 par an (source : Ademe, l’agence de la transition écologique) : on est loin du compte.

Dans le détail, en regardant cette infographie réalisée par Carbone4, cabinet de conseil indépendant spécialisé dans la stratégie bas-carbone et l’adaptation au changement climatique, à partir des données du ministère de la Transition écologique, on perçoit bien les secteurs de “dépense” les plus importants, en tout premier les transports et la voiture :

Infographie Carbone4

Il se trouve que, dans le cadre de mon métier, je suis amené à me déplacer régulièrement chez des clients, pour des durées comprises en moyenne entre 1 et 5 jours. J’interviens dans un secteur géographique assez vaste : le Sud Ouest. Cela inclut les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, allant de Nîmes à Niort, de Limoges à Bayonne ou encore de Poitiers à Perpignan. De manière plus occasionnel, je me rends parfois à Paris, et encore plus rarement dans les Caraïbes, le tout en étant basé à Toulouse.

Vous l’aurez deviné, l’objectif a donc été de revoir ma façon de me déplacer, d’autant qu’il s’agit ici d’une composante principale de mon métier.

Si quelqu’un doit commencer, c’est moi.

Le monde d’après

Le Covid-19 est passé par là, avec tous les drames qu’il a pu causer, mais il a cependant fait évolué pas mal de choses dans notre métier, et notamment deux éléments qui m’aident beaucoup dans ma démarche.

Le premier, c’est évidemment le télétravail. Avant le Covid, il était toléré de manière ponctuelle dans mon entreprise, un jour par semaine environ, via un simple mail à mon manager. Aujourd’hui, j’ai un avenant à mon contrat de travail avec un pool de 10 jours par mois, avec au maximum 2 jours par semaine de télétravail.

Le second, c’est les réunions à distance. Beaucoup de clients se sont aperçus que, selon le type de réunion, il n’y avait pas toujours de plus-value à faire déplacer un consultant, et je les en remercie.

Base de départ

Au commencement de mon aventure toulousaine, début 2020, j’étais à 3.3km de distance de mon travail, en passant par une voie rapide (2x2) ou 2.5km par l’itinéraire le plus court en distance mais le plus long en temps, et je réalisais tous mes trajets en voiture, une aberration. Puis j’ai déménagé début 2021, pour être à 12.5km de mon travail, toujours en voiture, en 12min à 95% de voie rapide.

Concernant les autres déplacements, c’était systématiquement en utilisant une des voitures d’équipe ou dans certains cas en avion, pour aller à Paris par exemple. J’ai donc eu l’occasion de tout revoir dans ma façon de me déplacer.

Les déplacements quotidiens

Lors d’un week-end, j’ai pris mon vélo et j’ai essayé de faire le trajet jusqu’à mon bureau. Résultat : 40 minutes, beaucoup d’efforts et un trajet assez sécurisé. Mais sans douche à l’arrivée, c’était compliqué. C’est ce qui a déclenché l’achat d’un vélo à assistance électrique (VAE), de la marque Nakamura, en octobre 2021. Mes trajets ont été réduits à 30min, quelque soit la circulation.

J’ai commencé à faire quelques trajets, 1x par semaine, jusqu’au boulot en choisissant mes jours en fonction de la météo, des réunions, etc. Au bout de quelques temps, j’étais à 2 jours de télétravail, 2 jours de déplacement en vélo et 1 jour “joker” de voiture.

Au fur et à mesure, j’ai commencé à m’équiper afin de pouvoir parer principalement au froid et à la pluie. En 2022, avec un télétravail accentué sur le début d’année en raison du Covid, voici à quoi ressemblait mes déplacements :

Répartition de mes déplacements professionnels

J’ai effectué 2500km en VAE, ce qui représente d’après l’ADEME 27kg CO2e contre 259kg CO2e si j’avais utilisé ma voiture.

Impact sur 2500km de voiture remplacé par un VAE

Mi-2022, mon entreprise a également emménagé dans de nouveaux locaux, je me retrouve alors à 7km de mon lieu de travail, en bordure intérieure du périphérique. Le trajet en VAE met désormais autant de temps qu’un trajet fluide en voiture : 20min.

Une transition réalisée en douceur et un faible investissement dans des équipements anti-pluie (un sur-pantalon couvrant les chaussures, un imperméable épais avec capuche et des gants) m’ont permis de réussir ce challenge.

Pour aller au bureau, j’utilise désormais ma voiture de manière exceptionnelle, 3 à 4x dans l’année environ si je dois transporter beaucoup de choses ou des personnes, si j’ai un déplacement en suivant, etc.

Les déplacements clients

De ce côté-ci, c’est très aléatoire et cela nécessite un peu plus de logistique selon les cas.

A Toulouse

S’il s’agit d’un déplacement dans Toulouse, à moins de 15km de mon domicile, le vélo fait l’affaire. Le VAE me permet d’arriver en pantalon / chemise / chaussure de ville sans transpirer lorsqu’il fait un peu plus chaud. J’ai également combiné certains modes de transport lorsque c’était possible, en chargeant mon vélo dans le téléphérique toulousain (le Téléo) pour gagner du temps par exemple.

Autour de Toulouse

Lorsque l’on s’éloigne un peu de Toulouse, dans la proximité immédiate, c’est plus compliqué. Je prends généralement la voiture. Pas de solution magique pour le moment. Un combiné train + vélo pourrait être envisageable si les promesses d’un RER se concrétise. Je cotise en tant que “sympathisant” du collectif Rallumons l’Etoile pour encourager le projet.

Dans d’autres villes

Si je vais travailler chez un client qui est dans une autre ville accessible en train, par exemple Tarbes, Montpellier ou Poitiers ET qui est à une distance raisonnable à pied ou en transport en commun de la gare (environ 15min), je privilégie le train.

Mon entreprise dispose également d’un grand parc de voitures en libre-service, ce qui me permet parfois de récupérer une voiture pour effectuer les derniers kilomètres, toujours les plus compliqués. Ce n’est cependant pas toujours évident lorsque l’on ne connaît pas les lieux.

A titre d’exemple, un client a souhaité que je me déplace pour une réunion de 2h à Poitiers. Toulouse > Poitiers c’est 4h aller et 4h retour en voiture et un segment Limoges-Poitiers pas très agréable. Avoir réalisé l’aller/retour dans la journée en train m’a permis de réduire énormément la fatigue du trajet et aussi de pouvoir faire autre chose pendant ce temps.

Parfois, ce n’est pas possible en raison des difficultés à effectuer le trajet en train, comme par exemple aller jusqu’à Saint-Jean-de-Luz (période de travaux, correspondances compliquées, temps de trajet beaucoup trop long, …), ou parce que je suis avec d’autres consultants qui privilégient la voiture.

Prendre le train en direction de la Nouvelle-Aquitaine ou de certains départements d’Occitanie (Lozère, Gard, l’Aveyron et l’Hérault par exemple) n’est pas possible, ou très difficilement. La capture ci-dessous, issue du site https://direkt.bahn.guru/, montre les trajets directs depuis la gare Matabiau :

Source : https://direkt.bahn.guru/?origin=8700065

A la campagne

Pour le moment, pas trop le choix : il est difficile de se passer de la voiture dans des zones rurales, je n’ai pas trouvé de solutions magiques.

A Paris

En attendant une amélioration de la ligne Toulouse-Bordeaux, il faut compter environ 4h30 pour relier Paris. Lorsque je dois m’y déplacer pour une journée, il faut prévoir de partir la veille vers 16h/17h afin d’arriver à l’hôtel à un horaire décent et de repartir vers 17h ou si ce n’est pas possible vers 19h avec un retour autour de 23h à Toulouse.

Deux soirées de perdues à la maison, quasiment une demi-journée la veille, c’est pas ce qu’il y a de plus pratique, raison pour laquelle beaucoup privilégient l’avion. Le “tout-voiture” est une réalité dans de nombreuses villes, à Toulouse on expérimente aussi le “tout-avion” qui a causé le délaissement des autres modes de transport concurrents.

Pour les quelques fois où je dois me déplacer à Paris, environ 2 à 3x par an, je fais l’effort d’y aller en train. J’ai récemment tenté (en vain) de prendre l’un des rares train de nuit en France, reliant Toulouse à Paris, mais les grèves ont eu raison de ma tentative.

L’intérêt est pourtant là :

  • Réduction des coûts (pour l’entreprise) : un billet 1ère classe en train de nuit coûte moins cher qu’un billet de TGV 2nde classe, qui doit en plus être associé à un billet d’hôtel et les tickets de métro pour s’y rendre.
  • Réduction du temps perdu : partir de chez soit vers 21h plutôt que 16h pour prendre le train.

Je ne perds cependant pas espoir de réussir l’expérience.

Les déplacements en voiture

A l’heure actuelle, il est compliqué de vivre sans voiture car l’aménagement du territoire a longtemps été, et est toujours, en faveur de la voiture. Depuis une récente évolution de grade je suis éligible à un véhicule de statut et je vais vous surprendre : j’ai décidé d’en bénéficier. Mais pas n’importe comment, je vous explique.

L’évolution de ma mobilité professionnelle s’est aussi accompagnée d’une évolution de ma mobilité personnelle. Aujourd’hui, nous avons chacun une voiture avec ma compagne. Suite à ces changements de comportement, on s’est rendu compte que, sauf à de très rares occasions, nos deux voitures ne sont jamais utilisées simultanément. Et que lorsque c’est le cas, c’est par confort et on pourrait faire autrement.

Aujourd’hui, nous avons une Peugeot 308 Crit’air 1 (Essence) et une Clio II Crit’air 4 (Diesel), cette dernière étant interdite depuis peu dans le périmètre de la ZFE de Toulouse. La bascule est pour bientôt : nous n’aurons bientôt plus qu’une seule voiture et elle sera électrique.

Le choix n’a pas été évident dans un catalogue restreint dans le sens où, sur 68 modèles, il n’y en a que 8 électriques en retirant les modèles trop chers, ceux avec une autonomie théorique inférieure à 400km et les Tesla (tant pour le design que pour la personne qui dirige l’entreprise).

Le choix s’est porté sur une Mercedes EQA, un SUV trop lourd (je sais) qui reste tout de même plus léger pour le climat que deux voitures thermiques. La Clio II partira à la casse pour bénéficier d’une prime/bonus à la conversion d’un autre véhicule électrique… un VAE (oui, c’est possible !). La 308 sera revendue pour, espérons-le, remplacer la voiture polluante de quelqu’un d’autre.

A noter que ce n’est pas sans conséquences, puisqu’un changement d’entreprise nécessiterait le rachat d’un véhicule au risque de repasser sur du thermique selon le budget. Mais la Mercedes EQA irait alors alimenter le marché de l’électrique ?

Conclusion

Se déplacer régulièrement dans le cadre de ses activités professionnelles en limitant son impact carbone, c’est possible.

Les trajets du quotidien sont, à mon sens, le meilleur angle d’attaque car ils sont soumis à moins d’aléas que des déplacements chez des clients qui sont parfois des “sauts dans l’inconnu” et nécessitant un certain professionnalisme : respect des horaires, ne pas arriver tout transpirant, etc. (je me vois mal demander à un client d’utiliser ses douches, s’il en a, après 40km de vélo avant de démarrer un audit).

Je n’ai pas eu de mauvaises surprises jusqu’ici concernant mes déplacements en transports en commun / train, en tout cas aucune n’ayant eu d’impact sur mon travail et les prestations délivrées. Si, une fois. Le métro s’est arrêté, par chance à une station, et j’ai fini mon trajet en Uber pour 15min de retard : le quart d’heure toulousain, en somme.

Au delà de la réduction de mon empreinte carbone, je retiens entre tous les avantages que j’y ai trouvé une réduction de la fatigue, moins de stress et une meilleure condition physique. Sur ce dernier point, je bascule d’ailleurs progressivement sur un vélo musculaire (un GRVL 120 de la marque Triban) pour certains trajets : ce n’est pas plus dur et tout aussi rapide désormais.

Si je devais changer quelque chose dans cette démarche, c’est l’achat du VAE. J’ai acheté un VAE bas de gamme (Nakamura ePowerFit) et face à l’usage intensif que j’en fais aujourd’hui, j’aurais aimé avoir quelque chose de plus qualitatif. Mais qui aurait pu prédire que j’allais autant accrocher ?

Pour finir, merci à tous ceux qui partagent leurs retours d’expérience et informent sur le web et les réseaux sociaux sur le sujet, comme le font très bien Tristan Nitot ( standblog.org/blog/ ) et Thomas Wagner ( bonpote.com ) pour ne citer qu’eux. Vous avez une part de responsabilité dans cette transition 😄